C’était juillet 1990, quelques jours après le début des vacances scolaires d’été. Emma, quatorze ans, s’ennuyait comme un rat mort, s’aspergeant à qui mieux mieux des fragrances acidulées de son « Démon » d’Eau Jeune chiné au Monoprix d’Épernay, ne sachant que faire de sa peau… Après avoir pris des poses devant le grand miroir de sa chambre en soupente, elle décida d’aller « zoner » près du Pont de la Marne, qui enjambait la rivière non loin des îlots, dans l’espoir d’y trouver un peu d’inspiration pour ses « écrits ». Emma était en proie à un malaise persistant, une malédiction qui la hantait depuis trop longtemps… Son recueil de poèmes était son refuge, son sanctuaire personnel où elle pouvait échapper à la solitude qui la rongeait. Un jour, elle se trouvait au sommet de son art, élevant les mots au-dessus des nuages, tandis que le lendemain, elle était submergée par le désespoir, trouvant tous ses poèmes absolument minables ! Emma était un être volage, ballotté par les vagues de l’inspiration et de l’angoisse. Mais la solitude, elle, était constante ! Elle était son ombre, son compagnon de chaque instant, à la maison comme dans les rues. Emma errait donc seule, cherchant désespérément, en ce mois de juillet étouffant, un sens à sa vie, mais ne trouva que le vide et le bitume fondu… Le monde autour d’elle était une coquille creuse qui ne lui apportait aucune consolation face aux questionnements de la pré-adolescence… Elle se sentait lourde comme une âme en peine, condamnée à errer dans les ténèbres d’une existence solitaire. Il aurait suffi d’une étincelle pour changer sa destinée ! Mais celle-ci tardait à venir ! Il faisait une chaleur écrasante. Le soleil tapait fort sur la ville et elle était vêtue d’une robe à fleurs trop grande, dénichée dans le placard de sa mère, et de petites baskets à la mode, des « Bensimon » blanches, immaculées. En arrivant près du pont, elle fut intriguée par une jeune fille un peu plus âgée qu’elle, avec un look rétro et une coiffure « à la Brigitte Bardot ». Elle ne rêvait pas ! Elle était magnifique, avec son petit bustier en tissu motif Vichy, sa jupe noire courte et ses chaussures babies à gros talons carrés ! Quel style atypique ! Cette « classieuse » avait un look qui lui collait à la peau ! Elle sentit d’emblée que celle-ci aurait une destinée incroyable ! Ce devait être une future star ou une speakerine ! Mais Emma remarqua rapidement que quelque chose « clochait » ! La délicate jeune fille pestait et jurait, balançant au sol un plan de la ville froissé et sa grosse valise toute ronde recouverte de stickers ressemblait davantage à un immense carton à chapeaux défiguré… Elle était tellement en rogne qu’Emma ne savait plus si elle devait s’approcher ou renoncer à tout contact et fuir dans la foulée ! Finalement, la jeune fille l’aperçut, leva ses yeux de biche verts dans sa direction et sortit de sa rage pour un instant. Elle lui sourit, lui demandant de s’approcher sans crainte. « Approche-toi chérie, je vais pas te manger ! » plaisanta-t-elle d’une voix sucrée et mélodieuse, parfaitement décidée. La voix de la fille était bien particulière. Son filet suave et sensuel, léger et profond à la fois, sa texture veloutée lui permettait d’exprimer la plus intime des émotions sommeillant en elle… Le murmure tantôt doux et lancinant, tantôt vif et piquant de la voix de l’inconnue berçait Emma des illusions les plus oniriques qu’il soit les concernant… « Gigi », entendez par-là Gisèle, avait dix-sept ans. Elle sortit une cigarette de sa poche, la cala dans un long porte-cigarette en ivoire et se mit à fumer, tout en observant Emma l’air sérieux… « Merde ! Quelle poisse ! » s’exclama d’un coup Gigi. « Excuse-moi, je suis un peu sur les nerfs ! J’arrive de Paris et je déteste cette ville de province, je vais être quillée là pour deux mois, quoi ! Tout ça à cause de mes vieux, ah, je te jure ! » ajouta-t-elle, redevenant comme explosive… Emma n’osait pas dire grand-chose mais elle se sentait à l’aise avec cette Gigi ! Elle avait l’impression d’avoir trouvé une amie bizarre, et cela la réjouissait au plus haut point ! Gigi lui demanda si elle avait des « clopes » en lui désignant, l’air dégoûté, son paquet presque vide et si on pouvait, « dans ce bled », prendre un verre en terrasse quelque part… Le moins qu’on pouvait dire c’est que ce sophistiqué « ovni », qui venait d’atterrir sur Dormans, n’était point farouche !
(Extrait de L’été Gigi. Céline Estelle)
Il y a de ces moments qui nous saisissent et nous transpercent, nous dévoilant l’intensité de nos propres sentiments, bien souvent « sur le tard »… Il en fut ainsi pour
Emma lorsqu’elle apprit la mort de Tristan, emporté par les violences d’un accident de voiture insensé… Le cœur de Tristan avait implosé sous le choc, tel un astre en fin de
vie… Un malheur qui avait touché ses proches amis et sa mère, qui avait sombré dans une culpabilité indicible, se remémorant chacun de ses manquements, chacune de ses
erreurs, les surnoms peu flatteurs dont elle l’affublait à l’adolescence mais aussi les crises, les débordements et tout ce qui avait poussé le jeune homme à fuir le foyer au profit de la batellerie où il avait enfin trouvé un semblant d’affection, découvert la fraternité, une nouvelle famille… Chaque lever de soleil lui rappelait qu’elle avait
lamentablement échoué à être cette mère, peut-être « tordue », mais « suffisamment bonne » dont les enfants les plus mal lotis ont tout de même besoin et dont ils peuvent,
dans le pire des cas, se contenter… Elle allait dans Dormans, zigzaguant, clamant à qui voulait encore l’entendre combien son fils était finalement un « bon garçon »… Mais rien, pas même un bref regard de compassion n’aurait pu la dédouaner de ses multiples forfaits ni de toutes ces fois où elle l’avait menacé, enfant, de l’abandonner au coin d’une rue ou à l’orée d’un bois… C’était finalement lui qui était parti, non pas une fois mais deux ! Une forme d’éternelle humiliation.
(Extrait de L’été Gigi. Céline Estelle)
Au fond de la pièce, derrière une caisse qui ressemblait étrangement à un vestige du passé, volé dans une foire ambulante où devaient s’affairer femmes à barbe et sœurs siamoises, se tenait, l’air impitoyable, la dénommée Madame Olga. Avec sa chevelure flamboyante de fausse rousse, son gros nez retroussé et son épaisse silhouette enfermée et serrée de toute part dans un bustier satiné d’une autre époque, elle était surannée et inquiétante au plus haut point. Une impression renforcée par son histoire familiale complexe, digne d’un roman russe (tout de quinconce) du 19ème siècle, dans lequel s’empilaient matriochkas tirant la tronche et samovars prêts à vous ébouillanter !
Madame Olga était une bien étrange créature, à la croisée des cultures et des destins. Descendante d’une princesse russe déchue, elle portait en elle tout le poids de sa lignée rejetée ainsi que des idées de vengeance qu’elle mettait, de temps à autre, lorsqu’elle en avait le temps, à exécution. Son père, marchand de tissus juif, sévissant au cœur du Sentier, avait constitué son unique lien avec la réalité. Il était patron, lui aussi, mais cela ne l’empêchait pas de se lever plus tôt que ses petites mains ni de tirer des chariots pleins de tissus toute la sainte journée entre le square Lazareff et la rue d’Aboukir. Mais même cette rationalité à toute épreuve n’avait pu l’empêcher de développer une personnalité aussi excentrique que tordue ! A ses heures perdues, Madame Olga composait de macabres marches funèbres sur un vieux dulcimer et chantait de sa voix d’opéra. C’était aussi gracieux que la mélodie d’une horde de cent macaques en furie évadés du zoo. Elle peignait également. Car Madame Olga était une artiste complète… Si ses clientes et son art avaient pu lui laisser davantage de temps libre, elle aurait dessiné elle-même les ensembles de lingerie qu’elle vendait. Elle en avait la trempe et l’audace ! Ses tableaux ? Des visages blancs hurlant dans une nuit noire ou des visages noirs hurlant dans un jour blanc, et des carrosses en forme de citrouilles dans lesquels dormaient des princesses… mortes sur la chaussée, la couronne gisant toujours un peu plus loin…
Son accent russe, mêlé à ses manières hautaines, la rendait d’autant plus mystérieuse. Au-dessus d’elle, trônait le portrait austère de sa mère, une femme aux traits masculins, à mi-chemin entre Elisabeth II et Amélie Mauresmo, dont le regard transperçait le temps et l’espace. Au sommet de son crâne, bien détaillée dans de délicates touches de peinture à l’huile, au centre d’un luisant clair obscur : la fine couronne lui rappelant ses origines « non pas nobles mais plutôt royales ! » Ici, à Évry tout le monde connaissait l’histoire de la mère de Madame Olga, l’excentrique du grand magasin de lingerie. Nul n’ignorait les titres ni les origines dont cette dernière était affublée. La saga familiale l’avait même, jadis, aidé à vendre ! Qui n’aimerait pas avoir la fille d’une illustre princesse à sa botte pour choisir au mieux la taille de ses bonnets ou celle de l’entrejambe de son string ?
Lorsque Madame Olga adressa la parole à Lémonia, ce fut comme si son passé tout entier remontait à la surface, se déversant dans la pièce. Elle parla d’honneur, de devoir, et de la nécessité de préserver les traditions familiales. Tout cela pour des sous-vêtements ! C’était à la fois comique et profondément dérangeant ! D’autant plus que tous les modèles de lingerie proposés semblaient sortis des années 30 : satin, velours dans des tons sapin, marine, rouge cardinal, pourpre ou violine. Apparemment chez Madame Olga on ne connaissait pas encore le stretch, la micro-fibre, les tons rouille ou moutarde, ni le lycra…
(Extrait de Madame Olga et le Serment de Soie. Céline Estelle)
Game over !
Pauline, bien décidée à avancer intérieurement, puisque c’est tout ce qui peut désormais la tirer d’affaire, ferme les yeux, plongeant peu à peu dans un état de méditation profonde que rien semble pouvoir perturber.
Dans son esprit, émerge, peu à peu, un lieu intensément chargé de souvenirs, de jolies paroles, d’histoires plus rocambolesques les unes que les autres et de commérages aussi caustiques que séduisants… Un repaire empreint de toute la Nostalgie du monde : le bar voisin du lycée, tout petit, si mignon, lové sur la place du marché d’une ville de banlieue parisienne, entre une banque et un coiffeur « à l’ancienne », non loin de l’imposante fontaine d’une place de mairie. C’est ce sanctuaire privilégié où toute la bande se réunissait pour jouer au flipper et partager de derniers éclats de rire juvéniles avant la suite, le grand et ambitieux programme pour certains, le chômage pour d’autres. C’était hier ! C’était… il y a une éternité !
Au fil de sa visualisation, le décor se matérialise. Mélange suranné de couleurs violines, de textures vieillottes, de linoléum démodé et de formica. Héritage le plus direct qu’il soit des années 70 ! Ici et là, autour du bar chromé, des zones de carrelage au sol. Un patchwork rétro, de noir, de jaune, ayant survécu, comme par miracle, aux baskets, aux Docs, aux rangers et autres pompes originales, de générations d’ados déchaînés, désœuvrés, mais toujours dans la spontanéité.
Les banquettes en skaï marron, autrefois chic, sont usées, marquées par le temps et les innombrables éclats de joie et de tristesse, tous ces dégâts, qui en ont imprégné la surface. Et la routine ! Cette monotonie pesante qu’on ressent, incrustée partout dans les masses et les formes ! Des pots de fleurs ringards décorent les rebords des fenêtres, témoignant de tentatives avortées d’offrir une touche florale. Des pétales séchés et quelques feuilles fanées demeurent, vestiges végétaux d’un temps bien révolu. L’odeur ? La poussière, la javel, le pastis et le café au percolateur, mélangés. Des effluves reconnaissables entre mille !
Pauline y est maintenant. A force d’imaginer et de ressentir les sentiments qui l’animait, lycéenne, elle a été transportée là. Elle lève les yeux vers les néons élimés du plafond qui projettent une lumière blanche et bleutée, produisant un son en z lancinant, créant une atmosphère bas de gamme, celle-là même qui rappelle ces heures passées à rêver de l’avenir… « Quel avenir, franchement ? » résonne en elle… « C’est bon, la rengaine je la connais maintenant ! »
Les murs, autrefois d’un blanc éclatant, sont désormais d’une palette de couleurs délavées par le passage du Temps. Celui qui ravage les rêves des enfants. Et qui repousse les châteaux en Espagne vers les HLM de banlieue. Pauline ne se laisse qu’à moitié berner, cette fois, par cette transposition aux touches de jadis, aux impressions d’antan… Et si tout était encore faux ? Pourtant les sons résonnent dans son esprit, authentiques ou sublimés ? Elle ne le saurait. Les cliquetis des flippers, les rires effrénés, le tintement des verres s’entrechoquant dans des toasts à une amitié qui demain, probablement, décevra… « Bah oui, décevra ! » Voilà ce à quoi Pauline songe, même en ressentant l’illusion de la chaleur humaine, du dynamisme, de toute l’énergie de la jeunesse insouciante qui habitait ces lieux, qui a laissé ici quelques vibrations. Qu’importe ! Pauline ne vit plus que dans l’impératif de survie ! Comme une malade pour qui seule la rémission compte ! Que demander d’autre maintenant ? Invoquer son ange gardien ou se contenter de ce flash-back, revivre la scène et accepter la mort de son corps, là-bas, quelque part ? Pauline sait que de s’enfoncer dans ce décor rassurant et en profiter pleinement risquerait de tuer son corps. Elle en a conscience, comme au cœur d’un rêve lucide.
Mais soudain, posé tel un ange sur la banquette du fond, elle l’aperçoit ! Il est là. Il lui sourit. Serait-ce lui, l’Ange gardien ? Ses yeux sont brillants, ses dents impeccables, une aura généreuse irradie de son être alors qu’il repose son livre de maths sur la table : Jacob !
(Extrait de Fractales de l’Inopiné. Céline Estelle. A paraître)
Hélas, l’ombre d’une nouvelle découverte planait sur le ciel intérieur de Véronique, bleu et dégagé comme toujours depuis presque un an… Le rédacteur de cette copie exceptionnelle était devenu l’objet de ses pensées… Elle se serait volontiers rasé le crâne s’il avait fallu le suivre, habillée d’un simple « dhoti » dans un ashram tibétain… Car c’est ainsi qu’elle l’imaginait, ou parfois, encore, en professeur de lettres ou en brillant chercheur en Philosophie, à l’heure qu’il était… Véronique avait senti monter en elle ce désir : le remercier de vive voix pour sa belle influence ! Elle s’était donc mise donc en quête de son nom et aujourd’hui elle arrivait enfin face à son poste de travail connecté au web, armée d’un post-it portant la précieuse information… Le clavier résonna agréablement sous ses doigts, alors qu’elle tapait dans Google, à la hâte, le nom et la date de naissance du brillant philosophe en herbe.
(Extrait de Fractales de l’Inopiné. Céline Estelle. A paraître)
Lémonia, peu sûre d’elle, n’avait de cesse d’imiter les filles qu’elle admirait, c’est à dire à peu près toutes, leur empruntant leur voix, leurs attitudes et les accessoires qui faisaient leur piment comme le chignon-choucroute avec une grande mèche sur le devant, le bandeau noir dans les cheveux sur une coque crêpée, le faux grain de beauté au dessus de la lèvre ou le style vestimentaire « bourgeois-bohème » qui mixait, avec bonheur, robes charleston et denim des soixante-dix…
Sa vie n’était absolument pas ce qu’elle avait imaginé… Elle qui avait, un an en arrière, de si grands espoirs de carrière ! Mais elle n’était plus, désormais, ni dans le fantasme ni dans le rêve ! Elle expérimentait la réalité de ceux qui se rapprochent dangereusement de la Ville Lumière, ce miroir aux alouettes : la vie y était hors de prix ! Il fallait se saigner pour y demeurer ! Elle était enchaînée, prise au piège d’un système qui, chaque mois, en quémandait davantage ! Et le boulet, son boulet ! Celui qu’elle avait choisi un soir de désespoir dans une station de ski miteuse pleine de ces « clapiers à lapins » qui font croire aux pauvres qu’ils peuvent se payer de vraies vacances au ski, eux aussi ! On était loin de Courchevel, de ses lacs couleur lagon, de ses énormes chalets dont les garages, immenses, débordaient de Porsche et de Bentley ! Dans une station de ski sans prétention, elle avait rencontré « l’autre naze », Monsieur le DJ, son dépensier compagnon, qui n’avait pour lui que sa dentition parfaite, et un look somme toute honorable. Comme beaucoup, il n’avait pas inventé le fil à couper le beurre, ça c’était une certitude ! C’est déjà ça, quand tout part en vrille, une certitude ! Et si l’extérieur pouvait faire illusion, l’intérieur était pourri jusqu’à la moelle ! Combien de temps résisterait-elle, dans un appartement qui lui coûtait les yeux de la tête, avec un parfait crétin d’une prétention extraordinaire, se rêvant en « Pape de la Techno » alors qu’il ne mixait que dans leur chambrette, en slip et en chaussettes, le dimanche matin, irritant des voisins de pallier déjà acariâtres ?
A l’évocation du passé, Lémonia se souvint du jour où une journaliste de France 3 s’invita chez eux pour tourner quelques plans d’« un court-métrage sur son talentueux partenaire »… Un honneur suspect qui la laissa comme deux ronds de flanc. Et pour cause… Ils étaient restés tard, trois semaines après, devant leur poste de télévision, attendant impatiemment – surtout lui – le passage dudit reportage, pour constater qu’il n’y apparaissait qu’à la fin, les vingt dernières secondes, pendant qu’une voix off grave affirmait : « l’excitante destinée de DJ, il y a ceux qui en vivent royalement, installés dans un quartier branché de Los Angeles… Et les autres, ceux qui en rêvent depuis leur chambrette dans un quartier populaire… du Val de Marne ! » Ce soir-là, incapable de s’avouer qu’il avait encore endossé, sans le soupçonner une seconde, le rôle de dindon de la farce, il était allé se coucher sans mot dire. L’avalanche de « moi je, moi je » s’était soudain tue ! Une aubaine pour les oreilles, enfin ! C’était plutôt « bon pour lui », cette humiliation nationale, avait pensé Lémonia. Après tout , il la traitait comme une moins que rien depuis des lustres ! Maintenant il n’ignorait plus ce que ça faisait d’être humilié en public depuis son salon. Ce ne fut qu’un juste retour des choses. Le karma est une chienne… parfois bien avisée !
(Extrait de Madame Olga et le Serment de Soie, à paraître)
28/01/2025
L’Initiation du Cœur des Sept griffons
La cloche de l’église Saint-Sauveur résonnait dans les hauteurs de Rocamadour, son écho se déversant le long de mordorées falaises, abruptes. Alors revenait le tintement… Une homélie de patois inconnu, portée par les vents nocturnes. Ses vibrations dansaient aux flammes des torches crépitantes, le long des sanctuaires. L’air était lourd d’encens et de mystère mêlés. Dans la salle voûtée du cloître, Erwan, un jeune homme aux traits francs, était agenouillé. Son cœur battait la chamade, complexe mécanique palpitant au rythme des cloches en surplomb. La peur le frôlait, mais c’était une crainte noble, cette Lumière qui perce en consumant le doute, laissant place à une résolution d’acier. Face à lui, Dame Séréna s’avança. Une apparition ! S’éleva un murmure dans l’assemblée… Sa robe, d’un blanc immaculé, était ornée de fils d’or formant des motifs subtils : des croix, des agneaux et des palmes, symboles de victoire spirituelle. Sa démarche était fluide, presque irréelle, et ses pas éclairaient le sol d’une éblouissante aura turquoise. » Le don des passeurs d’âmes » s’extasia Erwan… Dans ses mains fines, un bâton de chêne noueux, dont le sommet sculpté représentait une griffe agrippant une sphère d’onyx.
« Erwan de Puyvallon, » commença-t-elle, sa voix vibrante et posée comme une harpe ancienne, « es-tu prêt à affronter l’épreuve des Sept Griffons ? Es-tu prêt à embrasser la voie où le divin et l’invisible se croisent, où ton courage sera jugé comme le grain au tamis ? » Erwan releva la tête, les poings serrés. « Oui, Dame Séréna. Je suis prêt à prouver ma foi et ma valeur. » Un silence solennel s’abattit, chargé d’attente. La prêtresse frappa le sol de son sceptre. Une lumière aveuglante jaillit de la sphère d’onyx, se répandant comme une onde liquide le long des murs. Une porte scintillante, miroitante, se dessina derrière elle, ses contours ornés d’étranges runes entrelacées de croix. « Alors entre, et que le jugement des Griffons décide ! »
Erwan franchit la porte, le souffle court, et fut immédiatement happé par une atmosphère différente. La grotte qui s’ouvrait devant lui semblait un autre monde, une cathédrale naturelle, vestige troglodyte, éclairée par de gigantesques cristaux qui émettaient une lumière douce, oscillant entre le bleu et l’or. Son regard se posa sur les Sept Griffons. Chacun d’eux semblait une incarnation de forces primordiales. Le plus grand, noir comme une nuit d’orage, possédait des plumes aux reflets violets et dorés. Ses yeux ? Deux braises d’ambre qui semblaient lire dans les pensées. Un autre, au plumage argenté, rayonnait d’une lumière douce, comme la lueur d’une bougie dans une chapelle. Les autres griffons portaient en eux les couleurs du feu, de l’océan, des forêts et des cieux étoilés.
L’apparition de ces créatures lui coupa le souffle. Elles n’étaient pas simplement des bêtes ; elles incarnaient des forces sacrées, mi-ange, mi-démon. Leur majesté avait quelque chose de christique, et leurs griffes, courbes et acérées, rappelaient, elles, les stigmates des martyrs… Le plus grand, le griffon noir, avança, rugissant. Le son emplit la grotte comme un orgue grondant dans une nef. Erwan sentit un frisson parcourir son échine. « Pourquoi toi ? » demanda la créature, d’une voix surnaturelle qu’il était, pour un humain, presque impossible de supporter… Erwan chancela sous le poids de la question et de son ressenti, il lui sembla qu’on lui arrachait le cœur, mais une force inattendue l’emporta. Ses mots jaillirent, portés par une ferveur qu’il ne pouvait contenir. « Parce que j’ai foi en la lumière, mais je ne crains pas l’ombre. Parce que je suis prêt à protéger ceux qui ne peuvent se défendre, quitte à y perdre mon âme. » Le griffon noir recula, scrutant Erwan longuement. Les autres griffons se mirent à chanter, une mélodie étrange, un psaume ancien lancinant venu de cette terre nommée « de l’Éternel Été », une contrée astrale jadis symbole de la magnificence de la sérénité, aujourd’hui envahie par les forces sombres de la servitude. Leurs voix se mêlaient, emplissant la grotte d’harmoniques qui vibraient jusque dans les os. Puis l’un d’eux, l’argenté, s’avança.
« Je te choisis, » dit-il d’une douceur inattendue. Sa voix résonnait comme une cloche d’église à l’aube, réconfortante et puissante. « Moi, Lirion, gardien des âmes et de la lumière cachée. » Séréna, restée en retrait, ferma un instant les yeux, comme en prière. Lorsque le griffon se redressa, un éclat lumineux jaillit entre lui et Erwan, traçant un cercle scintillant autour d’eux. Le jeune homme sentit un poids s’effacer de son cœur. La lumière lui apportait une clarté nouvelle, une certitude : il venait de renaître ! Ce moment, il l’avait joué cent fois lorsqu’il n’était qu’un enfant candide, courant dans les bois touffus de la vallée de Puyvallon, un bâton à la main comme une épée et une vieille cape sur les épaules. Combien de fois avait-il défié des monstres imaginaires, proclamant haut et fort qu’il était le chevalier des étoiles, défenseur des faibles et protecteur des royaumes oubliés ? Mais ce souvenir n’était pas qu’un jeu. Il le savait à présent. Et Dame Séréna… Était-elle vraiment cette haute prêtresse distante et énigmatique, ou bien… autre chose ? Les histoires des anciens lui revinrent en mémoire, celles qui parlaient d’une noble fille née d’une union interdite, celle d’un elfe de la Terre de l’Éternel Été et d’une héritière humaine aux yeux clairs. Séréna s’éleva dans les airs. Erwan sentit son souffle s’arrêter. Une lumière argentée enveloppa Séréna, qui s’éleva dans les airs, révélant sa nature transcendante. Elle fit naître un tourbillon de lumière, le propulsant à travers un tunnel éthéré jusqu’à la Terre de l’Éternel Été, un royaume baigné d’amour infini. Rocamadour n’était qu’un portail vers cet Au-delà où la mort n’était qu’un retour à cette lumière. Apaisé et guidé par Séréna, il embrassa pleinement son destin, porté par une paix absolue, certain d’avoir trouvé sa place dans l’ordre de l’astral et de l’éternité.
Le royaume immergé…
Il ne rêvait pas ! Ce bleu s’étendait à perte de vue ! Son bleu à lui ! Un appel à arracher prestement ses vêtements et à plonger là, dans le Pacifique qui l’appelait ! Ces tons lagons ? Un délice de fraîcheur ! Un bleu profond, limpide, vibrant sous la lumière dorée du soir ! Devant lui, l’horizon se perdait dans un subtil dégradé d’azur et d’indigo, où les formes se fondaient en harmonie parfaite, sur fond de sable blanc. Il ne manquait plus que les étoiles de mer ! Il y avait là quelque chose de suspendu, d’intemporel, et lui retenait son souffle…
Les reliefs se découpaient avec douceur, baignés dans un éclat moiré. À droite, une ligne de crêtes aux arêtes douces, presque liquides, se dressait avec majesté, bordant un vaste plateau où s’étiraient de longues ombres ondoyantes. Plus loin, des colonnes surgissaient, fines et altières, antiques vestiges veillant sur leur royaume immergé.
L’air était chargé de sel et de lumière. Si une femme il y avait eu, il aurait pu se laisser enivrer par les effluves de tiaré émanant de sa douce chevelure…
Par endroits, des éclats dorés ricochaient sur les surfaces lisses, jetant des reflets mouvants, comme des vagues caressant des rivages invisibles. Tout paraissait calme, infini, baigné d’un éclat irréel.
Puis, il cligna des yeux. Lentement, il abaissa le verre qu’il tenait devant son regard.
Alors, Paris réapparut.
L’esplanade du Trocadéro, baignée de soleil, s’étalait sous ses yeux. La tour Eiffel se dressait, impassible. Les bâtiments, les avenues, la pierre claire, tout était là, intact. Seul le curaçao, dans son verre, s’était chargé de travestir la ville en mirage !
Paul posa le verre, fit demi-tour et referma soigneusement la porte derrière lui. Car Paul n’aimait ni les illusions, ni les mirages. Seul le concret de la « concrétude », comme il disait à ses élèves, trouvait, dans cette vie, grâce à ses yeux…
A paraître en juin 2025 : « POSTURES DE POUVOIR POUR FEMMES SENSIBLES : Leçons des Déesses de l’Inde » (Guide de Développement personnel)
Vous, les femmes hypersensibles, êtes comme Kali : vous ressentez tout plus fort, mais cela signifie aussi que vous avez un pouvoir de transformation immense !
Votre capacité à aimer est profonde et authentique. Vous ne faites rien à moitié. Vous êtes entière et avez compris que les compromis ne sont qu’une façon de vous éteindre. Moi qui suis certifiée en Négociation et qui me penche régulièrement sur le sujet, laissez-moi vous dire ce que sont en réalité les compromis qu’on impose aux femmes sensibles (et jamais à celles qui se montrent dures et insensibles) : ce sont des renoncements déguisés, des accords à sens unique, des stratégies pour qu’une femme pleine se réduise de moitié !
On ne demande pas aux femmes sensibles de faire des compromis pour équilibrer une relation. On leur demande de se trahir doucement, pour ne pas faire trop d’ombre, pour rester « gérables », pour ne pas trop vibrer, trop créer, trop briller. Ce sont ces compromis-là qui, petit à petit, leur font perdre leur feu. Et bien souvent, ce n’est pas de la négociation — c’est de la soumission émotionnelle.
Rappelez-vous de Sati, la première épouse de Shiva (…)
Votre sensibilité émotionnelle est une force qui vous permet d’accéder à une sagesse intuitive rare.
Quand vous cessez de voir vos émotions comme une faiblesse et que vous les utilisez comme un carburant pour votre évolution, vous devenez inarrêtable. C’est à ce moment-là que certains, déroutés par votre feu sacré, vous traiteront d’hyperactive.
Laissez-moi vous révéler ce qui dort derrière ce mot.
L’hyperactivité, comme ils disent, ce n’est pas un trouble. Ce n’est pas une maladie. Ce n’est pas un défaut à corriger.
C’est la vitalité pure d’un être vivant, vibrant, aligné, qui ne se contente plus de survivre. C’est l’énergie brute d’une femme qui a retrouvé ses priorités, reconnecté ses désirs, clarifié ses valeurs, et qui avance sans plus attendre la permission de qui que ce soit.
Mais voilà la vérité : le monde ne sait pas quoi faire d’une femme libre.
Alors il essaie de la calmer. De la ralentir. De la « traiter ». Il voudra vous faire croire que votre enthousiasme est une fuite, que votre créativité est un excès, que votre clarté est trop abrupte.
Il vous vendra des diagnostics comme on vend du silence.
Il vous prescrit des pilules pour endormir votre feu, pas pour vous soigner.
Parce qu’une femme active, focus, connectée à sa mission — ça dérange.
Parce qu’elle ne se laisse plus détourner. Elle ne rentre plus dans les cases. Elle dit non aux rôles qui ne l’honorent pas, et oui à tout ce qui l’expand.
Et si vous regardez l’Inde ancienne, vous verrez que les déesses ne sont jamais passives. Durga est en mouvement. Kali est en feu. Saraswati est en flux. Lakshmi est en abondance. Aucune n’attend qu’on l’autorise à exister. Elles incarnent, elles créent, elles choisissent.
Alors non, vous n’êtes pas « hyperactive ».
Vous êtes en marche vers votre destinée.
Et ceux qui ne comprennent pas ce rythme n’ont qu’à apprendre à danser.